Revue de Presse
Saotome, tradition
et perspective


Propos recueillis lors du stage d'été 97 de Saotome Senseï
au Vigan dans les Cévennes
Cet article est paru dans Aikido Magazine de juin 1998

Après de nombreuses années d'études auprès de 0 senseï, Mitsugi Saotome qui fut l'un de ses uchidechi est parti s'installer aux USA ou il dispense le message du fondateur de l'Aïkido. Expert très recherché, il se déplace cependant très peu et c'est toujours un privilège de pouvoir rencontrer cet humaniste qui insiste sur l'importance de l'Aïkido comme « voie qui mène à la réalisation de soi »
- Senseï, quelle évolution avez-vous observé chez vos étudiants dans leur Aïkido lors de vos stages successifs?
- Aujourd'hui j'en suis à mon 12ème stage en France, alors bien des évolutions se sont produites. Lors des premiers stages, mon enseignement portait surtout sur les bases, alors que aujourd'hui nous abordons des concepts plus évolués, plus complexes aussi en sortant des simples techniques d'auto-défense. Aujourd'hui les étudiants qui viennent à mes séminaires connaissent déjà les bases, la question pour eux est « qu'est ce qu'il y a après? »

- En arrivant pour un séminaire avez-vous un plan de travail organisé par avance ou bien vous adaptez-vous au fil des jours?
- Je tiens surtout compte de l'évolution des élèves, j'adapte mon enseignement, c'est le rôle du professeur de faire évoluer ce qu'il doit enseigner. L'aïkidoka étudiant peut être comparer à un enfant auquel on change les vêtements en fonction de sa croissance... En clair, le professeur doit faire du sur mesure, c'est comme cela que je procède.

- Enseignez-vous aujourd'hui les armes plus qu'auparavant ?
- Le travail des armes occupe quasiment 50% de mes séminaires, en alternance avec les techniques à mains nues, le tout doit se compléter.

- Senseï, lors de vos cours, vous insistez régulièrement sur la perception, les aïkidoka français ne travaillent-ils pas suffisamment cette notion?
- Bien sûr, car c'est un point fondamental dans la pratique d'un art martial. Le processus d'entraînement commence par quelque chose de simple; à partir d'une attaque, d'une saisie, on passe une technique, mais il faut surtout préalablement comprendre la raison de cette saisie, cette attaque.

- A votre sens, cette capacité de perception est-elle accessible à tous?
- Bien entendu, nous la portons en nous, c'est à l'intérieur de notre structure humaine, que l'on soit Japonais ou pas.

- Lors de vos séminaires, vous travaillez tout autant avec les femmes qu'avec les hommes, cela peut surprendre dans un milieu plutôt machiste?
- C'est une chose tout à fait normale, car dans la notion de l'art martial, du combat, l'ennemi ne fait pas de différence entre un homme et une femme, il n'y a donc pas à en faire sur les tatamis. Tous les ennemis que l'on va rencontrer, de quelque nature qu'ils soient sont les mêmes pour tous, et considérant que les principes fondamentaux de l'Aïkido sont universels, ils ne peuvent être réservés à une culture particulière, ou à une catégorie particulière selon le sexe ou autre chose. C'est ce que j'ai compris de la pratique des arts martiaux, et je vous l'assure, les femmes peuvent pratiquer mieux encore que les hommes. Mais bien entendu, chaque individu est unique, c'est la raison pour laquelle le professeur est comme un tailleur qui fait du sur mesure. L'entraînement ou tout le monde fait la même chose a peu de valeur.

- Alors, quelle place pour la force physique pure dans la pratique de l'Aïkido?
- C'est une question d'individu, pas de sexe, bien qu'il y ait des différences tant au plan physique que physiologique, mais face à un agresseur vous ne pouvez pas dire... je suis une femme. La force physique peut rentrer en considération, mais par exemple, quelqu'un de petite taille peut être très mobile. Le fondement du budo met en évidence les qualités de l'individu, de fait le problème principal dans la pratique de l'Aïkido est l'enseignant et son aptitude à développer ces qualités, pas l'étudiant.

- Vous dites souvent que l'étudiant ne doit pas s'identifier à son professeur, pour quelles raisons?
- D'abord parce que cela me semble être une impossibilité physique comme mentale de pouvoir cloner quelqu'un. J'essaie dans mon discours de rester au niveau des principes fondamentaux librement accessibles à chacun.

- En étant uchi-dechi de 0 senseï, n'avez-vous pas cherché à l'imiter?
- Impossible, il évoluait tous les jours, il cherchait toujours à faire progresser son art, C'est donc la raison pour laquelle il est difficile de caractériser 0 senseï par un seul style. Une histoire japonaise peut servir d'illustration, il s'agit d'un groupe d'aveugles qui touchent un éléphant, l'un dit « c'est un mur », l'autre « c'est un poteau », ainsi de suite, parce que chacun ne le touche pas du même côté.

- Vous dites souvent que l'étudiant ne doit pas s'identifier à son professeur, pour quelles raisons?
- D'abord parce que cela me semble être une impossibilité physique comme mentale de pouvoir cloner quelqu'un. J'essaie dans mon discours de rester au niveau des principes fondamentaux librement accessibles à chacun.

- En étant uchi-dechi de 0 senseï, n'avez-vous pas cherché à l'imiter?
- Impossible, il évoluait tous les jours, il cherchait toujours à faire progresser son art, C'est donc la raison pour laquelle il est difficile de caractériser 0 senseï par un seul style. Une histoire japonaise peut servir d'illustration, il s'agit d'un groupe d'aveugles qui touchent un éléphant, l'un dit « c'est un mur », l'autre « c'est un poteau », ainsi de suite, parce que chacun ne le touche pas du même côté.

- Lors de vos séminaires, outre les techniques pures d'Aïkido, faites-vous passer un message plus particulier?
- Bien sûr, l'Aïkido que Morihei Ueshiba a créé doit permettre à ceux qui le pratique de s'améliorer en profondeur. Superficiellement, les arts martiaux ressemblent à un combat, à une situation conflictuelle, plutôt négative. Alors comment conserver son calme, la maîtrise de soi quand quelqu'un veut vous frapper par exemple. Le défi est de rester harmonieux, de ne pas se désunir. Dans le cerveau humain, il y a plusieurs strates, la strate reptilienne, l'alligator, le cheval, et devant l'homo sapiens. Le but 'de l'Aïkido est de découvrir en soi la partie homo sapiens et de la développer toujours plus. Je retrouve cette recherche chez les étudiants français, c'est très satisfaisant, à quoi cela servirait-il d'enseigner mécaniquement la même chose, il faut se mettre à 45° etc. Ce serait très ennuyeux.

- Senseï, vous reverra-t-on l'été prochain en France?
- Je le souhaite, ici je me sens comme dans une famille, au milieu de gens très proches, très sensibles à ma démarche. Nous travaillons tous pour permettre à chacun de se raffiner, d'acquérir à travers sa pratique de l'Aïkido une vrai paix intérieure.•


Propos recueillis lors du stage d'été 97 de Saotome senseï au Vigan dans les Cévennes

Merci à Saotome Sensei, à Aikido Magazine pour leur autorisation à reprendre ce texte.

Merci enfin à Marie-Hélène
pour son aide à la saisie de ce texte.

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