Morihei Ueshiba,
Histoire d'une vie

Article d'AIKIDO MAGAZINE n°2 (Mai-Juin-Juillet 1984). Petit historique sur le parcours d'O Sensei, de sa naissance à sa disparition.


Aikido Magazine N°2
Juin Juillet Août 1984

N°2, Trimestriel édité par l'AIA (Association de l'Information de l'Aikido) Dépot légal : 2ème trimestre 1984

14 décembre 1883 :
Naissance à Tanabe dans la préfecture de Wakayama du quatrième enfant et du premier fils de Yoroku Ueshiba, fermier de classe moyenne et chef du village, marié à Yuki, faisant partie du clan Itokawa, bien connu dans la région.

1885 - 1890 :
A l'âge de 7 ans, entre à l'école du Temple du village, apprend à lire et à écrire et reçoit les rudiments du confucianisme et du boudhisme Shingon. Très impressionné par la vie de Kobo Daishi, un prêtre fameux. Son père lui fait faire de la lutte et de la natation. Il entre ensuite à l'école primaire de Tanabe.

1897 - 1901 :
Entre au lycée de Tanabe puis le quitte pour s'inscrire dans une école de soroban (boulier japonais utilisé pour la comptabilité). Travaille au bureau des impôts locaux.

1902 - 1903 :
Participe aux mouvements de protestation soulevés par la nouvelle réglementation sur la pêche et démissionne de son emploi. Se rend à Tokyo pour monter une petite entreprise : « Ueshiba & Co », de fournitures scolaires. Etudie le Jujutsu de l'école Kito dirigée par Tozawa Tokusaburo et l'escrime de l'école Shinkage. Contracte le béribéri, dissout son entreprise et retourne avec ses employés dans sa ville natale. Il s'y marie à une amie d'enfance, Hatsu Itokawa.

1903 - 1906 :
S'engage dans l'armée pendant la guerre russo-japonaise. Surnommé « le dieu des soldats ». Il est nommé sergent. Pratique le Jujutsu de l'école Nakai.

1907 - 1909 :
Retourne dans sa ville natale. Très actif dans ses activités destinées aux jeunes de la région. Son père transforme un bâtiment en dojo de Judo et y fait venir Kiyoichi Takagi (qui deviendra plus tard 9e dan). Toujours très actif politiquement. Etudie le Jujutsu de l'école de Gotoha Yagyu et reçoit son diplôme d'enseignant de l'école Nakai.







1910 - 1911 :
Suite aux appels gouvernementaux pour la colonisation de l'Hokkaïdo, décide d'y émigrer.

1912 :
Chef du groupe de pionniers Kishu (80 personnes). S'installe au village de Shirataki et entreprend le déchiffrage de cette région.

1913 - 1914 :
Dans des conditions difficiles, plusieurs fermes se montent ainsi que les infrastructures du village. On l'appelle « le roi de Shirataki ».

1915 - 1916 :
Rencontre le très fameux maître Sokaku Takeda de l'école de Jujutsu Daito, qui lui enseigne, en un peu plus d'un mois, les rudiments de son art et lui délivre le diplôme de l'école.

1917 - 1918 :
Le village de Shirataki se développe avec bonheur puis est détruit par un gigantesque incendie le 23 mai 1923. Le fondateur travaille sans relâche à sa reconstruction.

1919 :
Des nouvelles alarmantes sur la santé de son père mettent un terme à sa période pionnière. Sur la route qui le conduit au chevet de son père, il entend parler du révérend Onisaburo Deguchi de la religion Omoto et retarde son retour pour implorer la guérison de son père. Le message ambigu du maître Deguchi (« Votre père est bien comme il est ») lui apporte le réconfort.

1920 :
Son père meurt le 2 janvier. Rongé par le remord, O Sensei s'installe à Ayabe avec sa famille et entame son initiation religieuse sous la direction du maître Deguchi. Pendant 8 ans, il suit l'enseignement du maître Deguchi et ouvre un dojo d'arts martiaux intitulé : « Ecole Ueshiba » afin d'enseigner aux membres de la religion Omoto. Ses deux premiers fils meurent des suites de maladie en août et septembre de cette même année.

1921 :
Sa réputation de maître d'arts martiaux se répand au-delà des membres de la religion Omoto. Le révérend Deguchi est arrêté mais le dojo continue à fonctionner. Le 27 juin, naissance de son troisième fils, Kisshomaru, moment de bonheur après une longue période d'événements malheureux.

1922 - 1923 :
Le révérend Deguchi sort de prison. Le fondateur l'aide à reconstituer la religion Omoto. O Sensei se plonge dans l'étude du Kotodama. Son art est de plus en plus orienté vers le spirituel. Des techniques anciennes du Jujutsu des écoles Daito et Yagyu, naît un nouvel art martial qu'il décide d'appeler « Aiki Bujutsu » mais qui va se populariser sous la dénomination « Ueshiba Ryu Aiki Jujutsu ».


1924 :
Adhérant à la doctrine selon laquelle toutes les religions ont une même origine, le fondateur s'embarque avec le révérend Deguchi pour la Mandchourie et la Mongolie. L'équipée, en pleine guerre, finit presque tragiquement et le fondateur ne s'en tire que grâce à son intuition fantastique (« Il m'arriva de voir comme une petite balle de lumière blanche »). Le fondateur s'en retourne à son école d'art martial. Il s'intéresse aux techniques de sabre qu'il intègre dans son Aiki Jujutsu.

1925 :
Après son retour, il semble fréquemment possédé par une force divine. Défié en combat singulier par un officier de marine, expert en kendo, c'est par intuition qu'il devine chaque assaut de son adversaire. Cet événement concrétise ses recherches à savoir : « la victoire sans combat ». C'est pour lui une seconde naissance. Ce qui va devenir plus tard l'Aikido se centrera sur le principe d'unité avec l'univers. Le « justu » (art, technique) disparaît pour laisser la place au « Do » (la voie). Sa renommée s'étend parmi les officiers de la marine impériale et même jusqu'à l'amiral Isamu Takeshita qui l'invite à Tokyo pour une démonstration. On lui demande de conduire un stage spécial de 21 jours au palais impérial d'Aoyama.

1926 :
De nouveau, il est invité par l'amiral Takeshita à Tokyo pour instruire les officiers, les fonctionnaires du palais impérial et quelques hommes d'affaire. Le fondateur voudrait s'installer à Tokyo, mais la maladie l'oblige à retourner à Ayabe.

1927 :
Le fondateur décide de répondre à une nouvelle invitation de l'amiral Takeshita après que le révérend Deguchi ait insisté pour qu'il s'installe enfin de manière indépendante.

1929 :
Construit un dojo temporaire près du temple de Sengakuji, au sud de Tokyo. Des acteurs fameux, des artistes, des officiers de marine, y reçoivent les rudiments de son art. En 1930, commence la construction d'un dojo permanent dans le quartier d'Ushigome (site du présent dojo central). C'est à cette époque qu'il reçoit la visite de maître Jigoro Kano, le fondateur du judo, qui aurait déclaré après une démonstration : « Voilà mon idéal du Budo ». Jigoro Kano délègue alors Jiro Takeda et Minoru Mochizuki pour un entraînement de longue durée.







1931 :
Le dojo permanent, « le Kobukan », est terminé en avril. MM. Kamata, Iwata, Funabashi, entrent comme Ueshideshi (élèves à demeure). C'est le premier âge d'or qui s'achèvera à la fin de la deuxième guerre mondiale. Le Kobukan est surnommé « le dojo de l'enfer ».

1932 :
L'art martial du fondateur commence à essaimer dans le pays. De nombreux dojos se créent.

1935 - 1938 :
Le fondateur devient une des figures les plus prestigieuses du monde du Budo. Le nouvel art se dénomme maintenant « Aikibudo ».

1939 :
Le fondateur se rend en Mandchourie pour des démonstrations publiques. Le directeur de l'éducation physique de Mandchourie, l'ancien lutteur de Sumo, Tenryu, est si impressionné qu'il devient un de ses disciples.

1940 :
Le premier directeur du Kobukan est l'amiral Takeshita. L'Aikibudo est enseigné dans les services de la police secrète de l'armée, la terrible Kempetai.

1941 :
La deuxième guerre mondiale commence pour le Japon. Les élèves s'en vont pour le front. Le jeune Kisshomaru, Kisaburo Osawa (actuel directeur technique) continuent à faire fonctionner le dojo.

1942 :
Invité au dixième anniversaire du « Manchuko », devant l'empereur. Tout le monde est très impressionné. Compte tenu de la mobilisation générale instaurée au Japon, le gouvernement décide de faire de l'Aikibudo une organisation nationalisée. C'est le gouvernement qui délivre les diplômes d'instructeurs et de professeurs. Le fondateur, lui, n'y voit que les aléas temporaires provoqués par la guerre et progresse dans ses propres recherches en installant un dojo indépendant à Iwama. O Sensei désigne son fils « directeur » du dojo et se retire avec son épouse dans le département d'Ibaragi. Il en profite pour vivre son idéal, se partageant entre le fermage et le budo. Pendant ce temps, son fils, Kisshomaru, se bat pour maintenir les activités du dojo de Tokyo.

1946 - 1947 :
Le fondateur demeure à Iwama où il enseigne aux jeunes du pays et s'occupe des travaux de la campagne. Le Kobukan de Tokyo sert de logis aux sans-abris. Il n'y a plus d'entraînements hormis à Iwama. Le Budo et l'Aikido sont officiellement en disgrâce et leur utilité sociale est même contestée. Le fondateur, retiré à la campagne, veut ignorer ce fait et continue à perfectionner son art.

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1948 :
Le chaos engendré par l'après-guerre subsiste. Kisshomura s'entretient avec des représentants du Kobukan sur l'opportunité de rétablir le siège de l'organisation à Tokyo et de faire revivre le Kobukan. Après bien des difficultés, la fondation Aikikai naît mais le siège restera à Iwama jusqu'en 1953, sur les instructions du gouvernement.

1948 - 1955 :
Après formation de l'Aikikai, le fils du fondateur s'emploie activement à développer la nouvelle organisation. De son côté, O Sensei poursuit sa vie semi-retirée mais entame à partir de 1950 une série de conférences et de démonstrations. Sur ses 70 ans, sa pratique est moins puissante mais illustre bien sa philosophie : Aikido = Harmonie.

1956 :
Le 1er septembre, pendant 5 jours, démonstrations de l'Aikikai sur la terrasse du grand magasin de Tokyo, Takashimaya. Les diplomates et le public sont très impressionnés.

1957 - 1960 :
L'engouement pour l'Aikido se poursuit. Le fondateur laisse à son fils le soin de diriger l'Aikikai.

1961 :
Sur l'invitation de l'Aikikai de Hawaï, le fondateur se rend aux Etats-Unis pour lancer son message de paix et d'amour.

1967 :
Construction du nouveau dojo de l'Aikikai.

1968 :
Le 12 janvier, O Sensei donne sa dernière démonstration publique.

1969 :
Bien que paraissant encore vigoureux, son état de santé se détériore. Le 26 avril, O Sensei meurt paisiblement. Le 14 juin, Kisshomaru Ueshiba est désigné officiellement comme nouveau chef de la fondation Aikikai.


Merci encore à la Fédération Française d'Aikido, Aikibudo et Affinitaires, à toute la rédaction d'Aikido Magazine, et particulièrement à Jean-François Douche, traducteur du texte, pour leurs autorisations à reprendre cet article .
Merci enfin à Fabrice pour son aide à la saisie de ce texte.